Estetica Magazine FRANCE

« Il faut réapprendre la patience aux élèves », Laurence Pariset

Laurence Pariset, à la direction du groupe Silvya Terrade, nous explique pourquoi la formation peine à recruter de nouveaux apprenants.

Les chiffres de l’Unec viennent de tomber : à la rentrée 2022, le nombre d’apprentis inscrits dans une formation aux métiers de la coiffure a fortement augmenté de +7 % par rapport à 2021, soit 1 601 apprenants supplémentaires. Cette progression ramène le niveau d’apprentis à celui enregistré en 2008-2009, confirmant ainsi la dynamique positive amorcée depuis 2019. Même si les chiffres remontent peu à peu, une forte baisse depuis 2008 avait été indiquée. Que s’est-il passé ?

La démotivation des apprenants, les écarts entre le référentiel de formation et les attentes en salon, des conditions de travail peu attrayantes… Laurence Pariset, forte d’une expertise de son expertise dans la formation, partage son analyse de l’état de la profession.

LaurencePariset
Laurence Pariset

Laurence Pariset, comment expliquez-vous la démotivation des jeunes pour ce métier ?

Le premier élément que je souhaite souligner, c’est que les apprenants sont de moins en moins patients ; ils veulent apprendre rapidement. Or, la coiffure est avant tout un métier qui nécessite l’acquisition de bases techniques, et cet apprentissage prend du temps. Les apprenants croient à tort que les tutoriels disponibles en ligne suffisent.

École Silvya Terrade ©sylvaindelaissez

Comment les pédagogues peuvent-ils réapprendre la patience aux élèves ?

Les pédagogues doivent effectuer un véritable travail pour regagner l’attention et l’intérêt de leurs élèves. Comment ? En créant des séances académiques diversifiées, interactives et ludiques, en faisant travailler les élèves sur des modèles vivants ; en leur apprenant non seulement à faire une permanente, mais aussi à maîtriser la coupe. Il est essentiel que les formateurs et les salons leur fassent confiance plus rapidement, pour éviter qu’ils se contentent de servir le café. Le nombre d’apprenants est en baisse, et pour garder ceux qui restent, il est crucial de ne pas les décourager.

On dit aussi que le référentiel de formation initial est trop éloigné de la réalité des salons…

Il est évident que, sous couvert de simplification, ce référentiel a été dévalorisé, et des bases fondamentales ont été abandonnées. Je pense notamment à la biologie. Aujourd’hui, nous avons des jeunes qui ne comprennent pas ce qu’ils font.

École Silvya Terrade ©sylvaindelaissez

Que pensez-vous des nouveaux diplômes, comme le BTS et le Bac Pro ?

Le BTS est le diplôme qui a connu le meilleur rebond. Il attire des élèves de niveau Bac. Cependant, l’objectif de ces diplômés n’est pas de se retrouver derrière un fauteuil. Ils aspirent à devenir managers, à travailler pour des marques, à être formateurs à l’international. Cela ne résout donc pas notre problématique de recrutement en salon. Quant au Bac Pro, les effectifs restent très faibles. Ce sont trois années d’enseignement professionnel dont les deux tiers sont consacrés à la culture générale, ce qui, à mon sens, est beaucoup trop !

Comment redonner envie aux jeunes de travailler en salon ?

Je pense que le problème principal réside dans les salaires. J’ai croisé un ancien élève qui est devenu responsable de boutique dans une grande enseigne, tout simplement parce que la coiffure ne paie pas assez. Pour revaloriser la coiffure, il est impératif de rémunérer correctement. L’écart entre le salaire d’un apprenti et celui d’un employé titulaire du BP est presque inexistant.

Pour redonner ses lettres de noblesse à la profession, des actions doivent être mises en place dès le collège, afin de motiver les étudiants et de leur montrer les perspectives du métier. J’ai des étudiantes qui ont passé leur CAP, leur BP et leur BTS, et qui ont ouvert leur propre salon.

Exit mobile version