10 May 2025

« La vraie bienveillance demande du courage », Nicole Degbo

Nicole Degbo, spécialiste de l’accompagnement des sociétés dans leur démarche de conciliation entre l’économie et l’humain, nous éclaire sur la place de la gentillesse dans un microcosme entrepreneurial basé sur la bienveillance. Une réflexion pertinente sur l’évolution d’une vertue devenue compétence.

La gentillesse fait partie de ces vertus humaines devenues essentielles dans la vie collective, et a fortiori la vie au travail. Lorsqu’elle est projetée dans l’intention durable de faire le bien, elle s’intègre dans un management dit bienveillant sous certaines conditions. Forte de son expérience et de sa réflexion sur les enjeux de l’entreprise en tant qu’ensemble complexe et humain, Nicole Degbo a répondu à nos questions.

Nicole Degbo au BS Congress

Nicole, pouvez-vous définir la gentillesse dans un contexte de management ?

Pour définir la gentillesse, je parlerais de considération, d’écoute et d’honnêteté. Mais, c’est aussi l’envie de soutenir, de développer et de challenger l’autre, en lui laissant de l’espace. Le manager doit être animé par la volonté d’être utile à l’autre dans un cadre professionnel. 

Est-ce qu’elle peut apparaître comme une faiblesse chez un manager ?

Les grands leaders n’ont pas besoin d’être méchants. En revanche, la vraie gentillesse n’est pas de la faiblesse. Il s’agit d’être exigeant, juste, clair et cohérent. Chaque leader a son style qui peut apparaître plus ou moins gentil selon les environnements, notamment lorsqu’il s’agit de faire respecter une certaine forme d’exigence.

Pouvez-vous donner des exemples de management où la gentillesse a eu un impact positif ou négatif ?

J’accompagne en ce moment des femmes dans le cadre d’un programme de leadership au féminin qui a été offert par l’entreprise. Cette masterclass a pour titre Femmes puissantes. Pour moi, c’est un vrai cadeau du dirigeant offert à des femmes qui n’ont jamais vraiment pris le temps de travailler sur elles et de penser à leur leadership.  

Au nom de la bienveillance, je vois aussi beaucoup de managers qui ne font pas de feedback ou qui rémunèrent avec un égalitarisme abusif des collaborateurs qui n’ont pas les mêmes talents. Ils ont peur de récompenser, de punir et du conflit. Or la vraie bienveillance demande du courage pour fixer des limites et les appliquer, sans cela ces limites n’ont aucune valeur. Le vide managérial n’est pas de la gentillesse.

Avez-vous observé une évolution de la place de la gentillesse en entreprise ?

D’après moi, il y a un avant et un après Covid. Il y a une vingtaine d’années, la vie en entreprise était plus dure et laissait peu de place aux états d’âme. Puis, il a fallu accueillir les « millennials” qui demandaient plus d’attention car plus bruyants et plus revendicatifs. 

Après le Covid, nous avons basculé dans un « tout much care » suite à la panique de la crise sanitaire. Cela a créé une tendance que j’appelle la prospérité du mal-être. Avant, les gens étaient plus joyeux. Tout mettre sur la table, tout le temps, je ne suis pas sûre que cela soit une bonne solution. Nous demandons à l’entreprise d’être un régulateur de tous les dysfonctionnements politiques, familiaux, individuels… Être dirigeant est devenu très dur. Demain, il nous faudra trouver le bon curseur.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de dirigeants inspirants ?

En préambule, je tiens à dire que le management bienveillant ne signifie pas zéro défaut. Je considère ici l’intentionnalité de ces dirigeants en quête permanente d’une bienveillance la plus juste possible.

Florent Menegaux, CEO de Michelin, a supprimé le smic pour offrir à ses salariés « un salaire décent » et peut être cité pour ses activités sociales.

Karima Silvent, DRH du groupe AXA, a impulsé un programme mondial pour protéger la santé de ses équipes dans un groupe qui compte 170 000 collaborateurs.

Sophie Letierce, directrice générale des relations humaines chez Kaufman & Broad, a créé un club dédié aux femmes pour le leadership au féminin.

En conclusion, je dirais : fixer des limites, c’est être avant tout professionnel.

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