8 September 2024

Permanente, histoire d’un destin insolite

111 ans d’une histoire au destin inattendu. Depuis 1906 à nos jours, la permanente a toujours fait l’objet d’innovations régulières. Jusqu’à tomber en désuétude. Puis à revenir sous une autre forme…

Londres, le 8 octobre 1906. Le coiffeur allemand Karl Ludwig Nessler, plus connu sous le nom de Charles Nestlè (l’accent chantant de son nom en français permettait le succès dans le domaine de la coiffure), réalise officiellement la première permanente dans son salon de coiffure situé à Oxfort Street devant une assemblé de collègues médusés. Sur son modèle d’une beauté extraordinaire, Katharina Laible, en vraie muse amoureuse – de son mari, bien-sûr, l’inventeur – mais aussi des cheveux ondulés, accepta une fois de plus de servir de cobaye ! La fois précédente ses cheveux avaient été complètement brulés !…

Le désir d’arborer une chevelure ondoyante avec de belles boucles qui durent au-delà de quelques jours était bel et bien présent chez toutes les femmes du monde entier. La découverte de Nessler était donc en phase avec les attentes de ses clientes et répondait parfaitement aux besoins d’un marché en devenir. A la différence de ses prédécesseurs qui enroulaient les mèches de cheveux autour d’un axe métallique brûlant, l’ingénieux allemand eut une autre idée. 

En effet, pour que le changement de forme soit “permanent”, la chaleur ne pouvait être pas le seul facteur à intervenir. Selon lui, le cheveu devait être préalablement préparé : la fibre devait être souple et docile grâce à un traitement chimique à base alcaline. Après cette phase préparatoire, le cheveu pouvait être alors roulé sur un bigoudi métallique et chauffé. Le progrès technologique, et plus particulièrement l’arrivée de l’électricité, a joué en la faveur de Karl Nessler. Les lumières, le chauffage et les petits appareils domestiques se développaient.

Grâce à ces avancées technologiques, Nestlè a pu mettre au point un bigoudi en bronze, réchauffé électriquement, positionné sur un axe, sur lequel les cheveux pouvaient être enroulés et tenus à distance du crâne. Chaque bigoudi pesait entre 300 et 400 grammes. Mais l’invention n’était pas encore tout à fait au point  ! Il arrivait fréquemment que le bigoudi surchauffe et brûle la chevelure. Le coiffeur se retrouvait alors avec quelques mèches en main qu’il dissimulait discrètement dans sa poche ! 

Lorsque Karl Nessler décida de présenter cette invention devant une assemblée de professionnels, l’accueil en fut plus que mitigé, et peu d’entre eux adoptèrent ce nouveau système. De nombreux freins persistaient : le processus était long et laborieux, le matériel était coûteux pour les clientes et très encombrant dans le salon, sans compter les nombreuses incertitudes sur le résultat avec des cheveux brûlés ou des brûlures au niveau du cuir chevelu. Et autre frein de taille : les coiffeurs craignaient qu’une telle “mécanisation” n’entraînât une perte de leur créativité.

Malgré le peu d’intérêt suscité par la profession, Karl choisit de breveter son invention, ainsi que les nombreuses améliorations qu’il y apporta durant les années qui suivirent. Quand la première Guerre Mondiale éclata, Nessler partit pour les Etats-Unis où il découvrit que de nombreuses copies de son invention étaient déjà présentes sur le marché américain. En peu d’années, il ouvrit de nombreux salons indépendants et des filiales à Chicago, Détroit, Palm Beach, Philadelphie où de nombreuses autres inventions du génial créateur étaient proposées : les faux-cils ainsi qu’un kit de permanente à domicile. Avec la crise de 29, Karl Nesller fit faillite et se retrouva sur la paille. Mais sa persévérance le conduisit à continuer ses recherches.

Recherche, amélioration et invention…
Le grand boom de la permanente est arrivé lorsque la mode était aux cheveux courts. Malgré la guerre, l’euphorie générale allait rester encore présente quelque temps comme pour occulter le drame qui était en cours. Cependant, l’hiver 1916-17 changea complètement la donne. Les femmes étaient de plus en plus amenées à remplacer les hommes dans tous les domaines. Pour des raisons pratiques, les premières coupes courtes virent le jour.
Pendant ce temps, la permanente est remisée dans un tiroir.

Mais les recherches pour améliorer son fonctionnement se poursuivent jusque dans les années 30 où de vraies changements s’opèrent. C’est le Suisse Eugène Suter et l’Espagnol Eugenio Isidoro Calvete qui mirent au point un système de tubes dans lesquels sont insérées deux bobines en aluminium sur lesquelles les cheveux sont enroulés. De leurs côtés, le Tchèque Josef Mayer (1924) et l’américaine Marjorie Joyner brevètent à leur tour une machine dans laquelle les cheveux sont enroulés sur des cylindres.

Comme souvent, une invention stimule la création d’une autre invention. En 1934, la firme Calvete inventa iCall, une conception innovante dans laquelle les tubes étaient détachés de l’électricité. Cette nouvelle invention fut présentée à Londres, en 1935, durant l’Hairdressing Fashion Show , et remporta un vif succès.
Parmi les premières adeptes des cheveux courts et ondulés, c’est certainement Mademoiselle Coco Chanel qui en fut l’emblème. Un style qui se transforma en très peu de tant en un véritable phénomène de mode. Les stars hollywoodiennes adopte le style “femme fatale” : de la “fiancée d’Amérique” Mary Pickford à la sublime blonde Jean Harlow, de la magnétique Marlène Dietrich à la splendide Ava Gardner, toutes craquent pour les ondulations.
Puis en 1938, arrive une autre révolution, créée cette fois-ci par Arnold F. Willat avec la “Cold Wave”, (l’onde à froid) , prémisse de ce qui sera la permanente d’aujourd’hui. En 1940, le 1er brevet pour une formule à base de Thiols est déposée pour la réalisation de la permanente à froid. C’est aussi le début des véritables programmes de recherche dans les laboratoires de cosmétique.

La permanente : par vagues successives !
Les grandes entreprises de cosmétique lancent leur programme de recherche. En 1945 la permanente à froid Oréol de L’Oréal voit le jour; en 1947, l’entreprise Testanera, aujourd’hui sous le nom de Scvhwarzkopf Professional, emboîte le pas. Dès 1924, Wella avait aussi lancé sa première ondulation à chaud.

Si dans les années 50 la permanente avait une place de choix, la décennie suivante lui sera moins favorable. Le bob, inventé par Vidal Sassoon, aux formes géométriques ultra lisses détrône la boucle. Mais c’est sans compter sur le phénomène musical de l’époque “Hair” qui remet sur le devant de la scène la boucle comme véritable signe distinctif. Puis, elle aura de nouveau une grand traversée du désert jusqu’à la fin des années 80. Pour faire de nouveau un retour timide avec de nouvelles textures de boucles, plus ou moins denses, plus ou moins vaporeuses…

La permanente est-elle un phénomène du passé ? Les marques professionnelles du secteur s’interrogent régulièrement sur un éventuel retour de la permanente. Avec deux axes forts de recherche, rendre les formulations toujours plus douces de manière à préserver l’intégrité du cheveu, lui donner un autre nom et une autre image, plus moderne et plus glamour. Ou en tout cas moins ancrée dans le passé.

Le service “forme” est-il pour autant en vogue ? Quelques micro-tendances émergent régulièrement pour apporter à la chevelure un mouvement souple et délicat. Pour créer une ondulation naturelle… tout simplement pour changer de forme, mais sans que cela soit visible ! Une gageure qui redonne aux coiffeurs toute sa créativité et son savoir-faire.

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