Sabine Fontaine, fondatrice et formatrice de l’Académie de coiffure située au Tampon à La Réunion, nous apporte son regard d’experte sur la formation initiale, ses limites et les leviers pour les contourner.
La coiffure est un magnifique métier que nous ne cessons de mettre en lumière dans nos communications. Les possibilités de carrières sont riches, elle est un révélateur de créativité, son évolution permanente la rend d’autant plus attrayante. Pourtant les professionnels déplorent bien souvent un manque de motivation pour le métier chez la jeune génération. L’Unec, dans son rapport 2023, enregistrait une diminution importante des effectifs en formation par voie scolaire depuis 2008 (plus de 50 %) qui en 2022, avait tendance à se stabiliser. Sabine Fontaine, coiffeuse, artiste et fondatrice de l’Académie de coiffure située au Tamplon à la Réunion, analyse la situation en formation initiale, tout en proposant des solutions d’amélioration.
Sabine, quels sont les points de divergences entre le référentiel enseigné en formation initiale et la réalité du terrain ?
Il existe un véritable décalage entre la formation actuelle et les besoins réels du métier. Voici quelques exemples :
- Évolution rapide des tendances et des techniques : Le référentiel de formation est trop figé, alors que la coiffure évolue constamment avec des techniques et des styles qui changent chaque année. Par exemple, des coupes très demandées comme les dégradés à blanc ou les coiffures texturisées sont en phase avec les attentes actuelles, mais restent peu abordées en formation initiale.
- Aspiration à l’entrepreneuriat : De nombreux coiffeurs souhaitent ouvrir leur propre salon, mais les notions de gestion d’entreprise, de marketing et de communication sont insuffisamment couvertes. Or, ces compétences sont essentielles pour réussir dans un secteur où la concurrence est forte et où la visibilité est cruciale.
- Croissance de la demande pour des pratiques écologiques et éthiques : De plus en plus de clients recherchent des salons utilisant des produits naturels et adoptant des pratiques respectueuses de l’environnement. Cependant, cette dimension n’est pas intégrée dans le référentiel de formation, alors qu’elle répondrait aux attentes actuelles et permettrait de valoriser le métier.
Moderniser la formation initiale permettrait aux jeunes professionnels d’être mieux préparés aux réalités du terrain. En intégrant ces enjeux, la formation serait plus motivante et en phase avec les défis actuels de la profession.
Quelles actions mettre en place pour dynamiser la formation et motiver les jeunes ?
- Utilisation des nouvelles technologies : Les outils numériques et les applications interactives peuvent rendre la formation plus attractive et engageante pour les jeunes. La communication digitale, essentielle à la réussite d’un salon de coiffure, n’est pas intégrée dans les référentiels, bien qu’elle pourrait offrir des compétences en marketing indispensables.
- Intégration de modules de développement personnel : La gestion du temps, du stress, la communication et la résolution de problèmes aideraient les jeunes à mieux se préparer aux défis du monde professionnel et à gagner en confiance. Il est essentiel aujourd’hui de développer leur savoir-être et de prendre en compte leur intelligence émotionnelle pour les accompagner vers une carrière plus durable.
- La mobilité : C’est un puissant moteur de motivation. Les déplacements permettent aux jeunes de découvrir d’autres environnements professionnels, d’expérimenter différentes méthodes et d’élargir leur vision du métier. Par exemple, visiter des salons comme le MCB leur ouvre de nouvelles perspectives et opportunités.
Est-ce un réel problème qui influe sur le recrutement ?
Le décalage entre la formation et la réalité du terrain a un impact direct sur le recrutement, y compris pour les élèves en alternance. Même s’ils sont déjà immergés dans le monde professionnel, les attentes de l’école et celles de l’entreprise sont parfois désalignées, compliquant ainsi leur intégration, leur motivation et la satisfaction des recruteurs. Les employeurs recherchent souvent des jeunes opérationnels, capables de s’adapter rapidement aux besoins spécifiques des clients et aux nouvelles tendances.
Comment ce décalage affecte-t-il la mise en lumière de notre profession aux yeux du grand public ?
La coiffure est souvent perçue uniquement comme une compétence technique, alors qu’elle exige bien plus : créativité, écoute, gestion du stress, adaptation aux tendances… Peu de gens réalisent l’étendue de ces compétences, ce qui limite l’attrait des jeunes pour la profession. Il est essentiel de valoriser cet aspect et de montrer que le métier de coiffeur est riche, diversifié et offre de vraies opportunités pour ceux qui souhaitent s’y investir pleinement.